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Sunday, December 5, 2010

La guerre la plus longue

Il serait prématuré de dire qu’on assiste B une révolte générale contre la « guerre B la drogue » que les États-Unis mPnent depuis 39 ans. Mais il se passe tout de mLme quelque chose d’important. Depuis plusieurs années, les pays européens font délicatement défection et dépénalisent la consommation personnelle d’un certain nombre de drogues interdites (et parfois de toutes) afin de réduire les préjudices qu’elles causent chez certaines populations. Mais lorsque des pays comme l’Argentine ou le Mexique s’y mettent, c’est différent.

Les pays latino-américains sont les premiers dans la ligne de mire des États-Unis. Ces derniers peuvent les sanctionner lourdement s’ils sont mécontents de leurs décisions. D’ailleurs, ils le font déjB depuis longtemps. Mais malgré cela, de Buenos Aires B Mexico, on en a plus qu’assez de la politique violente et dogmatique de Washington en matiPre de drogues. C’est pourquoi ces pays ont privilégié une approche différente.

A la mi-aoft, le gouvernement mexicain a déclaré que la possession de jusqu’B un demi-gramme de cocaVne (environ quatre lignes), 5 grammes de marijuana (environ 4 joints), 50 mg d’héroVne ou 40 g de méthamphétamine, ne constituerait plus un délit puni par la loi.

A la fin aoft, la Cour suprLme d’Argentine a pris une décision encore plus audacieuse. Conformément B la Constitution nationale, « Chaque adulte est libre de prendre les décisions qui concernent son style de vie sans que l’État n’ait B intervenir ». C’est en vertu de ce principe qu’elle a prononcé un non-lieu dans une affaire oj des jeunes avaient été arrLtés en possession de deux ou trois joints.

Dans un monde idéal, cette décision aurait une résonance extraordinaire aux États-Unis, dont la constitution délimite également l’ingérence du gouvernement fédéral dans la vie privée des citoyens. En 1919, il a fallu adopter un amendement pour que le CongrPs puisse interdire l’alcool (et un autre amendement pour mettre fin B la « Prohibition » en 1933). Par conséquent, est-ce légitime que le CongrPs américain ait interdit la consommation d’autres drogues récréatives au niveau national B travers la loi sur les substances contrôlées (Controlled Substances Act) de 1970 ? Pas du tout, mais la Cour suprLme des États-Unis n’a pas encore rendu de décision B ce sujet.

Chaque année, un million d’Américains va en prison pour des « délits » qui ne font de mal B personne sinon B eux-mLmes. Un vaste empire criminel s’est développé pour satisfaire la demande de drogues aux États-Unis. Au fil des décennies, des centaines de milliers de personnes ont été tuées dans les guerres de gang, les fusillades entre la police et les dealers et dans les milliers d’agressions et cambriolages commis quotidiennement par des toxicomanes en quLte d’argent pour acheter des drogues dont le prix est si exorbitant précisément parce qu’elles sont interdites.

La majorité des consommateurs de drogues illicites ne sont ni des toxicomanes et encore moins des criminels dangereux. Une légalisation et une réglementation sur le modPle de ce qui se fait pour l’alcool et le tabac permettraient d’éviter qu’il y ait des milliers de décPs violents tous les mois ou des millions de vies ruinées pour rien chaque année. Bien sfr, les drogues psychotropes continueraient de faire des victimes chez les populations vulnérables et malchanceuses, au mLme titre que l’alcool et le tabac.

Pourtant, les électeurs américains ne sont apparemment pas prPs de vouloir mettre un terme B cette guerre, la plus longue guerre des États-Unis, bien que le nombre de ses victimes soit bien plus élevé que celui de n’importe quelle autre guerre américaine depuis 1945. La « guerre B la drogue » se poursuivra jusqu’B ce qu’une nouvelle génération, radicalement différente, accPde B la Maison Blanche.

Dans d’autres pays, cependant, cette guerre commence B toucher B sa fin. Et on peut imaginer qu’un jour, les manuels d’histoire raconteront comment cette terrible aberration a pu se produire. Une grande partie de l’explication concernera alors l’homme qui a engagé cette guerre, Richard Nixon. Laissons les trafiquants de côté, et intéressons-nous un instant B Richard Nixon.

Cette démarche est possible grâce aux fameuses bandes sonores oj la quasi-totalité des paroles de Nixon ont été enregistrées durant sa présidence. Richard Nixon croyait Ltre victime d’un complot juif. C’est pour cette raison qu’il a décidé de lancer une guerre contre la drogue. Le chercheur Doug McVay, qui travaille pour l’ONG Common Sense on Drug Policy, basée B Washington, a écouté la derniPre série de cassettes, rendues disponibles en 2002. Voici ce que Nixon a dit B ses collaborateurs :

« Tu sais, c’est bizarre, les bâtards qui se battent pour légaliser la marijuana sont tous juifs. Bon sang, quel est le problPme des Juifs, Bob ? Quel est leur problPme ? Je suppose que c’est parce que la plupart sont psychiatres ? »

MLme si Nixon pouvait Ltre beaucoup plus loquace sur ce sujet, on ne peut pas en conclure pour autant qu’il était franchement antisémite. C’était un parano de l’égalité des chances : il croyait aussi que les homosexuels, les communistes et les catholiques complotaient pour nuire aux États-Unis en y introduisant de la drogue.

« Vous connaissez l’histoire des Romains ? Les six derniers empereurs romains étaient pédés (…) Vous connaissez l’histoire des papes ? Que les papes se tapent les bonnes sÉurs, c’était monnaie courante. Ça durait depuis des années, voire des siPcles. Mais quand les papes, quand l’Église catholique, sont tombés en décadence, il y a quoi ?, quatre ou cinq siPcles : ils étaient homosexuels (…)

« La came ? Vous croyez que les Russes autorisent la came ? Bien sfr que non ! (…) Vous voyez, l’homosexualité, la came, euh, l’immoralité de façon générale : ce sont les ennemis d’une société forte. VoilB pourquoi les communistes et les gauchistes la favorisent. Ils essaient de nous détruire. »

Autrement dit, cette guerre qui dure depuis 39 ans est imputable au président Richard Nixon, qui croyait Ltre en face d’une conspiration dont les auteurs sont juifs, gays, toxicos, communistes, de gauche et papes, comme l’avait écrit, en 2002, le journaliste du Washington Post Gene Weingarten dans un article on ne peut plus sérieux. Mais c’est inexact ! Comme les derniers événements l’ont montré, les auteurs de cette conspiration sont juifs, gays, toxicos, communistes, de gauche, papes et LATINOS !

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